Decalquer un dessin – 1

Pour certaines personnes, décalquer un dessin, c’est tricher ! Rien n’est plus faux !

Dans cet article, je rappelle brièvement la raison de décalquer. Et comment le faire, de deux façons différentes. L’une, est classique, et l’autre est celle que j’ai développée fort des conseils d’Alain Le Foll2, mon professeur d’illustration à l’Ensad1 de Paris. Professeur, hélas ! trop tôt disparu, et à la mémoire de qui je dédie cet article.

Bien que cela me semble évident, je préfère quand même préciser que le principe de décalquer implique de le faire aussi bien à partir d’un dessin qu’à partir d’une photo…

Il y aura trois parties pour cet article :

  • 1re partie : Pourquoi et comment décalquer ? Méthode ancienne, simple et classique.
  • 2e partie : ma méthode favorite pour décalquer… En “fabriquant” ce que j’ai nommé un “calque-carbone”.
  • 3e partie : comment utiliser mon “calque-carbone”.

 

Pourquoi décalquer ?

J’en ai déjà expliqué la raison principale dans mon article sur « Etapes d’illustration de “La Bosse du crime” – 1/2 », en particulier à l’intertitre “Pourquoi reporter le dessin sur une autre feuille ?” : https://apprenons-dessin-et-peinture.fr/etapes-illustration-de-la-bosse-du-crime-1/

J’en rappelle cependant brièvement les raisons :

il est important d’encrer ou de peindre sur une feuille relativement lisse. Ceci implique donc de reporter un dessin sur une feuille vierge et nette, après avoir “fatigué” la feuille qui a “subie” les recherches, les tâtonnements, les repentirs…


À noter…

Pictogramme "crayon" par Richard Martens.Le peintre Italien Raphaël est un très bel exemple d’un artiste qui décalquait systématiquement ses dessins. Perfectionniste, souvent insatisfait de ses dessins, Raphaël a conçu diverses méthodes pour dessiner et décalquer ses dessins, à une époque où le calque, comme nous le connaissons, n’existait pas ! Une exposition dans un musée Parisien, il y a fort longtemps, mettait en lumière ces diverses techniques, dont certaines étaient très originales !


Je rappelle que certaines techniques, comme l’aquarelle, ou l’aérographe ne supportent pas le papier foulé, gommé, frotté, creusé…

 

Pour illustrer “recherches” et “papier fatigué”

Couverture de "Tintin au Tibet", par Hergé, aux éditions Casterman.
Couverture de « Tintin au Tibet », par Hergé, aux éditions Casterman.

Pour mieux illustrer mes propos, concernant tout à la fois les recherches & le papier fatigué, voici ci-contre la couverture de l’excellent album de Tintin, voire son meilleur album selon les “tintinophiles” : “Tintin au Tibet”, par Hergé, aux éditions Casterman.

Pourquoi cette couverture ?

Tout simplement parce que cette couverture a figurée dans – au moins – deux expositions.

– « Et alors ? » me direz-vous…

Et bien parlons d’une…

Exposition montrant tout à la fois le crayonné ET la page encrée

Il y a de nombreuses années, j’ai pu visiter, à quelques temps d’intervalle, deux expositions consacrées à Hergé & à Tintin…

Pour celles & ceux qui ont eu, comme moi, la chance de voir l’une de ces deux expositions, nous avons pu, dans les deux, voir la même planche crayonnée de cette couverture, et à côté, voir la version finale, encrée.

Feuille fatiguée et recherches

Je mets ci-après, deux reproductions du crayonné de cette couverture.

Dessin annoté de la couverture de "Tintin au Tibet", par Hergé aux éditions Casterman.
Dessin annoté de la couverture de « Tintin au Tibet », par Hergé aux éditions Casterman.

On peut d’ailleurs en voir un exemplaire sur internet, via les recherches avec Google.

Et on en trouve une reproduction, en grand format proche de l’original, dans le superbe livre de Philippe Goddin, “Hergé et Tintin reporters – Du Petit vingtième au journal Tintin, éditions du Lombard, 1986, à Bruxelles, à la page 124.

Marqué 1, sur cette première reproduction, j’ai entouré les personnages, car cette partie était littéralement tout en bosses et en creux, tellement Hergé avait crayonné et gommé à divers endroits, et surtout du côté des personnages (beaucoup de repentirs3).

Marqué 2, j’ai aussi entouré le chien Milou, qu’on peut voir en… Trois exemplaires ! Car Hergé cherchait visiblement où le placer. Il va de soi que, sur la couverture, Hervé n’en a encré qu’un, après avoir pris la décision de le dessiner et de l’encrer là où il est fixé pour l’éternité…

Crayonné du dessin de la couverture de « Tintin au Tibet », par Hergé aux éditions Casterman.

Je rappelle que, lors des expositions, il y avait la planche crayonnée ET la page encrée. Puisque Hergé avait décalqué l’ensemble du crayonné, dont UN seul Milou sur cette seconde page pour l’encrer.

On peut voir, ci-contre, tout à la fois les repentirs3 d’Hergé sur les personnages, et ses recherches concernant Milou…

Il semble que ce soit E. P. Jacobs qui ait appris à Hergé cette façon de faire, à savoir :

  1. dessiner sur une feuille (recherches, voire finalisation du crayonné) ;
  2. décalquer le dessin final, donc sur une feuille de calque ;
  3. reporter le dessin, grâce au calque, sur une nouvelle feuille de qualité.

 

Comment décalquer précisément ?

Méthode simple pour décalquer

Cette première méthode est la plus répandue. Elle comporte trois étapes ou “passages” :

  1. – poser et « fixer » un calque sur le dessin final et tracer au recto de la feuille de calque tout le dessin final ;
  2. retourner le calque (verso ou « dos ») et repasser tous les traits du dessin au crayon. Ou frotter largement sur tout le calque (ou presque) ;
  3. – remettre le calque à l’endroit (verso), comme au début. Le poser et fixer sur une nouvelle feuille. Et repasser au crayon tout le dessin qui figure sur le calque. Ce qui fait qu’on vient de décalquer le dessin sur une nouvelle feuille !

Revoyons cela en détail, et avec des images…

Première étape : dessiner/décalquer au recto de la feuille de calque

Cela consiste à poser une feuille de calque sur le dessin qu’on veut reporter sur une autre feuille. Il peut être utile de le fixer (ruban adhésif ou pâte adhésive). Ensuite on trace TOUS les traits du dessin sur ce calque. Ce que j’indique ci-dessous en notant, à gauche, “Recto-Endroit” ou “R”

Décalquer au recto puis frotter au verso : la méthode simple. Création : Richard Martens.
Décalquer au recto puis frotter au verso : la méthode simple. Création : Richard Martens.

Deuxième étape : dessiner – à nouveau – (ou frotter) au dos du calque

Ensuite, on retourne le calque, et au verso, au dos du calque (noté sur le schéma ci-dessus, à droite, “Verso-Envers” ou “V”), on trace – à nouveau TOUS les traits du dessin, par transparence. Sinon, on peut frotter grossièrement sur tous les traits… Il est important de n’en oublier aucun !

J’ai placé une flèche afin de faire ressortir le fait que la feuille de calque est bien retournée !

 

Troisième étape : décalquer le dessin au recto du calque sur une feuille vierge

Pour ce troisième passage, littéralement, on remet le calque à l’endroit (recto).

Puis on pose le calque sur une feuille vierge, en le plaçant là où on le souhaite. Et si possible on fixe le calque avec un ruban adhésif, en le testant au préalable, afin d’être sûr que ce ruban ne déchirera pas le papier vierge quand on l’ôtera. Il est pratique de fixer le calque seulement dans sa partie haute, par exemple. Ainsi on peut le soulever si on le souhaite…

Et enfin, on repasse sur l’intégralité des traits du dessin sur le calque.


IMPORTANT !

Pictogramme "Point d'exclamation" par Richard Martens.Il est utile de soulever le calque par le bas, de temps en temps. Cela permet de vérifier que les traits soient bien reportés. En effet, il arrive qu’on oublie de frotter certains traits au dos du calque… D’où l’intérêt de vérifier régulièrement…

C’est pourquoi je conseille de poser du ruban adhésif seulement en haut du calque. Pour pouvoir soulever régulièrement le calque, pour vérifier que le report se fait bien !


Dans la deuxième & troisième partie de cet article, j’expliquerai  la méthode que j’appelle le “calque-carbone”. Comment en “fabriquer” et comment l’utiliser…

 

Oser faire des commentaires ci-dessous. Posez des questions, formulez des demandes !

Richard Martens

Texte version 2.0, pour cause de refonte post-piratage…


Note

Comme d’habitude, voici le lien de l’article, au cas où il serait brisé dans le corps de l’article… Si c’est le cas, il vous suffit de faire un copier-coller du lien ci-dessous, et de le coller dans la barre de votre navigateur…

  1. Ensad : acronyme pour “École Nationale Supérieure des Arts-Décoratifs” de Paris, communément appelée les “Arts-déco”. Voici le lien pour un article sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_nationale_sup%C3%A9rieure_des_arts_d%C3%A9coratifs
  2. Alain Le Foll est un illustrateur Français de grand talent, né en 1934, et décédé en 1981. Il fut Directeur artistique aux éditions Delpire. Et illustra “Sinbad le marin”, et divers ouvrages. Et oeuvra aussi pour des magazines comme “Elle”, “Record”, etc. Il fut professeur d’illustration à l’Ensad dans les années 1970-1980 environ, à la même époque que ses collègues, Bob Élia & Jean Lagarrigue, entre autres. Et qui furent aussi deux de mes professeurs… J’ai eu la très grande chance de croiser sa route comme étudiant… Il m’a fait l’honneur de m’inviter chez lui, et m’a offert une gravure à l’eau forte dédicacée, ainsi qu’une lithographie en couleurs. Et m’a transmis le plaisir du partage, en apportant régulièrement des livres d’art. Il repose au Père-Lachaise…
  3. Repentir : n. m. Beaux-arts : changement apporté à une oeuvre pendant son exécution. Dictionnaire Antidote. Souvent synonyme de « ratage », pour le commun des mortels qui ignorent ce mot… Et qui développent une PNP ou PNQP (« Pensée Négative (Quasi) Permanente »). Par opposition à la PPP (« Pensée Positive Permanente »)…

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